Dimanche 21 mars 2021 FIP, édito

Les hommes de la nuit

Feuille d’infos paroissiales – FIP du 21 au 28 mars 2021

 La nuit est pour l’homme, s’il accepte de l’affronter, le lieu d’une expérience existentielle. La nuit ne prend pas simplement les traits idylliques d’une nuit étoilée, elle est aussi le révélateur de l’homme, le lieu où à nu il mène un combat : celui de la confrontation avec sa vie, celui du contact avec Dieu.  Avant d’être pour nous le lieu de la contemplation de la beauté divine dans le surgissement de l’Epoux qui vient, la nuit est souvent le lieu de l’insécurité que l’enfant perçoit si bien en ayant peur d’y entrer et en repoussant le moment du coucher, ou bien celui de l’attente interminable d’un jour qui semble ne jamais devoir se lever. La nuit est ambivalente, elle est ténébreuse et lumineuse car elle est pour nous à la fois le lieu de la mort du jour et en même temps celui de la foi en une promesse qui nous a été faite, promesse dont la réalisation nous semble parfois incertaine au cœur de l’obscurité mais qui se donne au bout de la nuit.

            Accepter pour l’homme d’entrer dans la nuit, c’est recevoir la révélation que Dieu nous fait. C’est là, dépossédés de nos remparts, entre insécurité et lâcher prise, que nous nous ouvrons à la présence de Dieu,. C’est là que, comme Jacob avec l’ange, nous combattons nos angoisses et nos peurs et que nous mettons notre confiance entre les mains d’un autre que nous afin qu’il nous mène jusqu’à la lumière. Nous luttons mais non sans but car nous espérons que le Seigneur nous révèle sa présence. Marquée par l’épreuve au cœur de la foi, par l’espérance au cœur de la douleur, cette expérience est le fruit d’un choix existentiel : elle nous renvoie à la nuit pascale, à cette attente de la venue du jour du Seigneur, à la traversée des Hébreux de la nuit de l’esclavage jusqu’à la liberté divine. Dans le dénuement de la nuit, dépouillés, nous comprenons que notre vie est fragile, que nos forces n’y suffiront pas et pourtant que Dieu se révèle à nous dans cette fragilité. Dans la solitude de la nuit, nous comprenons que malgré les soutiens qui nous entourent, malgré nos liens d’affection, c’est seul que nous portons notre vie, seul que nous déposerons notre vie au jour de la nuit de notre mort, seul aussi que nous rencontrerons Dieu. Nous comprenons que Dieu a noué une relation unique avec nous et que personne ne pourra agir à notre place.

            Là, au cœur de cette nuit, dans notre fragile prière, nous acceptons de faire confiance au Seigneur et d’avancer : « Jésus, j’ai confiance en toi ». Car Dieu nous l’a promis et l’a manifesté par la venue de son Fils : de la nuit jaillira la lumière.

Au cœur de la nuit, dans ce temps de la passion qui s’ouvre, entrons donc dans la confiance pour la traverser et, si nous doutons, demandons au Seigneur de nous renouveler dans la confiance de sa présence au cœur de notre vie.

Père Henri Beaussant